LE MUR DU FIL : “O reino do alegria” par Mahaut Azéma

D’août 2023 à mars 2024, j’ai partagé le quotidien des danseuses de l’école de samba Unidos da Tijuca, appelées passistas. Celles-ci côtoient les plus grandes écoles de samba de Rio au sein du groupe spécial. En commençant par filmer les répétitions des passistas et en instaurant un système de troc avec certaines d’entre elles, j’ai accédé progressivement à leur préparation et à leur quotidien de jeunes femmes dans la société brésilienne.

Par la suite, j’ai fait des interviews de certaines d’entre elles dans les salons de beauté où elles se préparaient avant les spectacles pour leur coiffure et maquillage. Lieux de rencontres, d’attentes et d’échanges hebdomadaires, les salons de beauté et de coiffure des favelas et de la banlieue de Rio de Janeiro sont des lieux où naissent et se développent de nouvelles esthétiques de la périphérie.

Ces codes esthétiques, bien stricts, traduisent une forme de lutte, où ces jeunes femmes se travestissent et jouent un rôle afin de se faire accepter dans la société. À travers ces moments plus intimes de transformations physiques et esthétiques, j’ai créé des liens et des amitiés, et plus spécifiquement avec deux d’entre elles : Adrianna et Rafaella.

“O reino do alegria” retrace leur histoire, leurs origines personnelles et leur parcours de danseuse.

Être passista n’est pas une activité très valorisée : les danseuses sont au contraire marginalisées alors qu’elles incarnent les pre- mières images du défilé des écoles de samba lors du carnaval de Rio de Janeiro.

Au début, j’avais l’impression que leur investissement ne paraissait pas très rationnel pour ce qu’elles y gagnent. Elles consacrent en effet une grande partie de leur temps à cette activité : elles dépensent leur argent pour les diverses préparations exigées, respectent une stricte routine sportive, paient des déplacements, des costumes, des extensions capillaires ou encore diverses séances de beauté. Non rémunérées, elles sont souvent objectivées ou porteuses de jugements marginalisants et réducteurs à leur égard.

Elles en tirent néanmoins diverses rétributions comme une
valorisation symbolique et une sociabilité certaine.

À toutes les passistas qui m’ont accueillie et accordé leur confiance et amitié : Adrianna, Rafaella, Mery, Corine, Josy, Nathanny, Alessandra, Duda, Victoria, Laudicea, Mariah, et Katia.



L’artiste

Actuellement en dernière année de master à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris (ENSAD) en secteur photographie/vidéo, je prépare mon diplôme de fin d’étude. Mes études et mes expériences ont jusqu’à présent été orientées vers la photographie, l’installation vidéo, l’écriture et le film documentaire. Passionnée par la danse contemporaine et le sport, que je pratique depuis une dizaine d’années, je puise dans ces expériences pour nourrir mes recherches artistiques.

Ma méthode de travail dialectique repose sur une enquête de terrain rigoureuse, utilisant des écrits, des archives, des images photographiques, filmiques et des enregistrements sonores. En tant qu’outil principal de documentation, le portrait me permet d’établir un processus collaboratif d’engagement avec les sujets de mes images. Cette approche dépasse l’observation contemplative en créant des liens durables avec mes rencontres. Mon approche méthodologique est inspirée du photojournalisme.

Je m’intéresse particulièrement à la représentation des phénomènes de la culture périphérique, ainsi qu’à leurs stratégies de subversion et de visibilité. L’idée de traversée, de déplacement et de passage est également intégrée dans mon travail de terrain, enrichissant ainsi mes rencontres.

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